Les nouveaux pharaons



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Les nouveaux pharaons.


  Notre culture s'est transformée avec le progrès. Beaucoup de certitudes pour les bavards et de moins en moins de bonnes questions et pour nous toujours plus d'incertitudes. Le sentiment général d'une terrible impasse, la peur d’un monde qui se suicide.
  Les sciences rendent les vieux mythes obsolètes. La médecine fait plus de miracles que n’en a jamais faits la foi religieuse. La solidarité républicaine a rendu nos vies moins précaires et en nous instruisant nous propose un avenir confortable. Les technologies nous offrent des moyens que personne n’avait osé imaginer. La loi civile remplace les Évangiles. L'avenir est tentant ! Mais non. A peine avions-nous commencé à rêver d’un paradis terrestre qu'il a fallu se réveiller. L'économie libérale a rétablit l'ordre social sur le modèle de l'ancien et notre civilisation si pleine de promesses revient peu à peu à son point de départ. Cet espoir-là n'était encore qu'un mirage.
  Les pharaons d'aujourd'hui sont anonymes, tout comme leurs sociétés, bien repus par les valeurs du marché qu'ils implorent comme on implorait les dieux d'autrefois mais ils se gardent bien, contrairement à ceux d’Égypte, de monter sur le trône ; les savants d'aujourd'hui qui à leur insu étaient leurs prêtres, deviennent leurs fidèles serviteurs ; les architectes d'aujourd'hui leur construisent encore des temples dans les déserts en prétendant que les générations futures viendront toujours s’y prosterner et les scribes sont les hérauts d’un triomphe qui ne nous concerne pas.
  La démocratie, cet héritage des Grecs qui a fait vibrer des générations de philosophes idéalistes, était trop belle pour être vraie. Elle est morte sans que nous l’ayons connue et ses représentants ne sont que des fantômes qui hantent nos nuits en hurlant des pieux sermons, ou des faussaires.



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