Nos instincts oubliés.
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Nos instincts oubliés.
Nous vivons dans un monde soumis à une
économie ultra libérale où l'intérêt d'une indéfinissable
petite minorité prime sur l'intérêt général, une vague
oligarchie qui n'a que très peu d'intérêt pour l'avenir du monde
sauf quand elle y trouve son intérêt. En même temps et malgré nos
envies de changements, nous sommes totalement incapables d'inventer
un autre espoir. Je crois même qu'au fond peu nombreux sont ceux qui
en ont envie comme si nous étions si imprégnés de la doctrine
libérale que vouloir s'en libérer nous semble suicidaire. Et le
pire est que cette idéologie s'est quasiment mondialisée. Mais à
supposer que nous le voulions quel projet aurions-nous ? Aucune
autorité n'est capable de nous en proposer un nouveau. D'ailleurs
nous avons le dégoût des autorités. Il se peut bien même que nous
ayons surtout le dégoût de nous-mêmes. A d'autres époques, dans
l'Antiquité par exemple, ou en d'autres lieux, dans les régions du
monde où se sont perpétués les modes de vies tribaux, par exemple,
il me semble que des cultures se sont développées sur une
connaissance plus vraie de la nature humaine que la nôtre. Dans ce
moment où cela est nécessaire, je crois que pour pouvoir nous
inventer un autre avenir il nous faut d'abord prendre conscience de
ce que nous sommes devenus après des siècles de christianisme et de
rationalisme et comprendre aussi pourquoi ces deux grands courants de
pensée qui ont guidé nos élites ancestrales, n'ont plus aucune
emprise sur le présent.
Il faut d'abord que nous retrouvions notre
place dans la nature. Même s'il en est encore qui le nient, nous
savons au moins depuis Darwin que nous sommes des animaux. Nous
sommes l'aboutissement, probablement provisoire, d'une branche de
l'évolution et non une espèce supérieure douée d'une raison et
d'une âme immortelle, créée ex nihilo par un esprit divin.
L'évolution est le contraire d'une rupture et nous partageons avec
les primates et autres mammifères et même avec les oiseaux que
j'aime tant observer, un patrimoine commun. Arrêtons donc de nous
prendre pour des êtres supérieurs et cherchons dans l'héritage que
l’évolution nous a transmis ce qui peut nous aider à nous
connaître. Cherchons du côté des instincts.
Nietzsche a eu recours aux instincts
contre la raison et la religion, leur donnant enfin une place
honorable dans la pensée occidentale. Car traditionnellement
l'instinct était la source du mal. L'animalité en nous c'était la
manifestation du diable; c'était ce qu'il fallait bannir, réprimer,
éliminer. Ou c'était l'irrationnel, l'obscur, le sensible opposé à
l’intelligence, l'obstacle à la connaissance, à la civilité;
c'était ce dont il fallait se libérer.
Par nécessité, car il fallait défricher
de nouvelles terres pour les cultiver et éliminer les animaux qui
détruisaient nos cultures et dévastaient nos troupeaux, nous avions
l’ambition de maîtriser la nature pour nos propres intérêts. La
vision anthropocentrique du christianisme allait dans ce sens. Puis
les sciences en nous donnant l’illusion que cela était possible,
nous ont encouragés à poursuivre dans cette voie. Le christianisme
et le rationalisme ont de ce fait créé une nature humaine idéale
et pour l'imposer une morale adéquate. Nous devions donc nous voir
comme des êtres à part, supérieurs aux animaux et pour cela il
fallait recouvrir nos instincts d'un voile et nous les faire oublier.
En réalité, cet oubli n'était que l'effet d’un instinct,
l’instinct du beau. Seule l’action de cet instinct hypertrophié
par la nécessité de dominer, pouvait magnifier à ce point notre
nature.
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